lundi 6 décembre 2010

Chroniques semaine 6 décembre

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ELVIS COSTELLO « National Ransom » (CD, Universal Music Classic & Jazz)
            J’vais pas vous mentir je suis amoureux de la musique d’Elvis Costello, depuis environ sept ans (donc normalement ça signifie qu’on arrive dans une période difficile dans notre relation).
            Depuis ce coup de foudre j’ai découvert ses anciens albums, et lui continu à sortir des disques qui vont d’excellents à bons selon le cas. Et pour entretenir ma flamme il réédite son back catalogue avec pléthore de bonus (le pied).
            J’avais été subjugué par le précédent « Secret profane & sugarcane » : succulent de bout en bout. Efficace dès la première écoute. Et, passant l’épreuve du temps (j’ai un an et demi de recul et d’écoute pour l’analyser).
            Ce « National Ransom » m’a laissé longtemps très perplexe. La pochette ayant le même dessinateur que celle du précédent, j’espérai de la continuité. Et vu ce qui semble être le sujet de ce disque je pensai entendre un d’Elvis Costello vindicatif, nous faisant une sorte de concept album sur le hold up réalisé par les banques sur les budgets nationaux (et ça c’était avant la nouvelle crise irlandaise). Mais les premières écoutes ont été passablement décevantes. Les chansons (seize) glissent sans que rien ne retienne mon oreille. Du d’Elvis Costello en roue libre… Affreuse déception.
            Alors je l’ai laissé orphelin dans un coin pendant plus d’un mois.

            Finalement c’est en mettant le live qui réunit Elvis Costello et Bill Frisell dans le lecteur K7 de la voiture et en trouvant ça plutôt pas mal, alors que ces dernières années je trouvais ce disque un inconsistant, que je me suis décidé à donner une nouvelle chance à « National Ransom ».
            Qui derrière son côté indolent est remplit de ces choses qu’on aime chez Costello. Un album posé, parfois au bord du jazz smooth. Dépouillé mais sans le côté gonflant du folk neurasthénique actuel. Mais avec des arrangements d’instruments plus ou moins étranges.
            La tonalité est mélancolique avec de nombreuses ballades, un accompagnement non luxuriant et des passages fantomatiques. Baigné de fragrances qui peuvent nous ramener à la fin des 40’s, avec un swing triste qui tire vers certains crooners.
            Peut-être aussi que 16 chansons quand on sort au moins un album par an (et alors que cette année fut généreuse en concerts) c’est peut être désormais un peu trop. Même pour un amoureux.
            Cependant j’ai bien fait de me cramponner ! Car malgré des longueurs ce disque est parsemé de quelques joyaux qu’il faut un peu astiquer pour en révéler le brillant. Mais il est là. C’est indéniable.
            Si « Secret profane & sugarcane » peut être classé parmi les excellents albums de Costello, à conseiller à tout à chacun (enfin ceux qui ne sont pas bloqués sur un raisonnement type ‘Ouai il à fait quatre grands disques au début mais maintenant j’écoute plus’), « National Ransom » est plutôt à réserver aux fans. Mais on va s’y vautrer avec délectation, car au moins la moitié des titres sont de superbes chansons avec deux / trois petites oeuvrettes comme on les aime.
            Cette fois Elvis Costello à pensé à nous ses amoureux.

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The RockAndys + The Warlocks, mercredi 24 novembre, le Drak-Art, Grenoble
Parfois quand j’écris quelque chose je me demande si j’arrive parfaitement à traduire ma pensé… Et puis finalement je me rappel qu’il y a : ce qu’on dit, et ce que les gens entendent. Et que quoiqu’on fasse, quelque soit la façon dont je l’exprime, il y aura toujours une distorsion entre ce que je souhaiterai vous exprimer et ce que vous allez comprendre.
Une fois encore je vais mettre les points sur le i.
Il y a enfin une scène intéressante (très) à Grenoble. En tout cas qui correspond à mes souhaits. Avec de BONS groupes. Non pas à l’échelle locale. Mais des BONS groupes, point !

Mais je ne vous parle (ici, ou sur Radio Campus) que de certains : ceux dont j’aime la musique. Cependant vous devez imaginer le nombre affolant de sollicitations que nous recevons de la part des groupes locaux. Du navrant, du consternant, du sans intérêt, du pas mal, et parfois du bon. Et donc, même du très bon. La même attention pour chacun au niveau de l’écoute, les mêmes attentes de frisson. Et aussi le même désir d’être impartial. Bien que dans l’ensemble mon jugement soit plus dur concernant les groupes d’ici à cause du passé (passif) calamiteux que nous avons subit pendant 10 ans à partir du milieu des 90’s. J’écoute chaque semaine près de 30 nouveaux disques pour la programmation de Radio Campus Grenoble (bon il y a des trucs que je jette en moins de 3mn). J’écris moins de trois chroniques disques chaque semaine, ce qui donne une idée du nombre de disques gonflants auxquels vous échappez.
Bref, j’ai des coups de cœur pour des groupes qui viennent de partout, et de Grenoble aussi. Ni plus, ni moins.

J’aime les chansons des RockAndys. Les premières fois que je les ai entendu parce que je voyais leur potentiel. Maintenant, parce que le groupe à réalisé ce potentiel ! Pourtant leurs sources d’inspirations sont de celles qui me donnent froid dans le dos (Pink Floyd, plus un peu de rock prog et des trucs psyché late 70’s). Mais leur mélange à eux atteint la luxuriance et la brillance que j’aime aussi chez le Mercury Rev de maintenant.
Avec une touche de naïveté.
La vraie, celle qu’avait (dans un style totalement différent) les Pastels.
Quelque chose qui s’est perdu (dans tout ce que j’écoute des groupes actuels, il y a indéniablement une connaissance du truc, du comment ça marche, de ce qu’il faut faire pour sonner et être intégré dans la scène, de ce qu’il faut porter, de comment on doit agir pour être adopté/remarqué, de ce qu’il faut faire pour avoir un certain succès…). J’ai parfois l’impression que tous ces kids dans des groupes connaissent parfaitement ce business, sont d’excellents VRP d’eux même et savent quel est la recette, l’attitude, les références qu’il faut dire et utilisé pour être révéré par la génération Pitchfork.
            Les RockAndys eux se moquent de la faute de goût tant que s’est la leur. D’aimer ce qu’ils aiment. Car ils sont.
Là ou plein d’autres paraissent.

            Sur la scène du drak-Art avec un son puissant, et un vrai éclairage, j’ai pris ma baffe. Cette fois un aller-retour qui m’a bien démonté la tête. On sent que la tournée avec le Brian Jonestown Massacre les a assouplit, renforcé, sécurisé.
Un concert massif où les chansons que je connaissais semblaient réarrangés pour gagner en épaisseur/profondeur. Et où les nouveautés donnent la conviction qu’on n’a pas encore tout vue. Ni sur scène. Ni sur disque.
           

            The Warlocks sur scène c’est une musique et une mise en image qui laisse beaucoup de place à l’imagination (très peu de lumières, qui bougent peu, beaucoup de fumé, pas d’effets visuels). La présence humaine sur scène n’est pas là pour incarner les gens qui jouent la musique, mais pour lui conférer l’intensité organique qui est la transcendance que crée l’expérience du live pour le Rock.
            Les 3 guitares et la basse (+ tous les effets qui sont rajoutés dessus) créent des harmoniques qui sont comme les chœurs qui accompagnent la seule voix sur scène. Et votre cerveau travail à récréer des choses qui ne sont pas vraiment là.
            Bref le spectateur doit faire quelque chose : utiliser ses éléments de perception pour faire fonctionner son imaginaire interne… Ce qui tombe bien parce qu’à Grenoble pour les manifestations physique et l’enlevage de balai dans le cul durant les concerts on n’est pas fortiche.
            Si comme moi vous n’êtes sensible qu’à la mystique du bruit, alors les Warlocks sont une expérience à ne pas manquer. Une sorte de rêve de geek : beaucoup de Psyché bien sûr, pas mal de Noise, de Shoegaze, un peu de Batcave, un peu de Garage voir une touche de Rockabilly ou de Surf (mais alors vraiment enfoui sous des couches et des couches de pédales d’effets).
            Un psychédélisme sombre, profond, intense, comme une célébration de l’amour qu’on ne fait pas.
            Je suis un néo convertit à la musique des Warlocks, et à la fois sur excité et assez angoissé avant que ça commence, tellement j’espérai monts et merveilles… Et franchement ça m’a fait décoller. Pour un gars comme moi qui ne prend jamais de dope, les Warlocks c’est mon expérience narcotique.

Whaoo : The Batmen, puis les RockAndys + Warlocks en 5 jours, et à Grenoble, on n’était plus habitué à une telle bombance. Pas étonnant que j’ai repris 10 kg.

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HENRY’S FUNERAL SHOES « Everything for sale » (CD, ALIVE Natural Sound Rds)
Ces gallois créent un carambolage entre Nick Cave (forcément avec un nom comme ça, et ils ne font pas qu’utiliser un gros vocabulaire religieux, ils ont retenu sa façon de s’approprier le blues pour en faire un truc qui sort de l’école trad.), du Rock de bouseux à la Cosmic Psycho, une solide école du Rock du Sud qui va de Blackfoot (et pour moi c’est un gros compliment) aux Supersuckers, avec aussi du Blues Thrash façon Black Keys. Vous secouez tout ça et vous ne serez pas loin de la musique d’Henry’s Funeral Shoes.
Pas étonnant qu’ils sortent cet album sur Alive Natural Sound Rds (qui je vous le rappel à sur son catalogue Left Lane Cruiser, Radio Moscow, T-Model Ford…).
Un album au son abrasif mais clair et net. Avec des poses country bouseux judicieuses qui permettent de relancer la machine et de briser une certaine monotonie qui aurait pu s’installer sur un album unidimensionnel. Un peu de slide guitare aussi par ci par là. Bref un truc solide comme certaine junk food, mais c’est aussi pour ça qu’on aime Henry’s Funeral Shoes.

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JAMES FREY « L.A. Story » (495p, Flammarion)
            Des vies minuscules dans une mégalopole.
            Dans ce roman il y a deux personnages : les gens, et, la ville.
            Et la ville comme ces personnages parfois on le voit. Vraiment.
D’une part parce qu’on est contaminé d’images de L.A. (cinéma, télévision) et que pour certains ces personnages sont intentionnellement archétypaux. Mais si on les voit c’est aussi grâce au style de James Frey. Je déteste le cliché de l’écriture cinématographique (en plus lui il ne doit pas y échapper à cette remarque débile, vu qu’il vient de l’industrie du cinéma), mais quand même il faut reconnaître qu’il y a un petit quelque chose dans sa voix qui tient du cinéma.
            Mais surtout ici on a une phrase qui à du rythme avec parfois une ponctuation inusité : et/ou des répétitions de segments de phrases. En tout cas un ‘truc’ qui bat très fort avec la pulsation de la vie des gens, et, de la ville.
            Par moment ça pourrait sembler quasi expérimental, mais ça n’est jamais fastidieux à lire. C’est comme ça que je voudrai écrire.
            De temps à autres il nous le fait un peu à l’épate. C’est brillant, clinquant. C’est L.A. quoi ! Mais il ne faut pas se laisser embarquer à surfer juste à la surface… Ce roman est aussi quasi une étude sociologique… avec  plein de gens qui se croisent sans se rencontrer. Le tout agrémenter d’une histoire de la ville, raconté sous forme de très courte anecdotes qui servent d’inter chapitres.
            Un livre de vies. D’espoirs, rêves, brisés. Injustices sociales. Haine. Violence. Amour. Mais jamais assez pour compenser tout les mal que les hommes s’infligent.
            Un gros bouquin, qui est aussi un grand livre. Et qui comme à chaque fois que j’adore une lecture, je me mets à ralentir quand j’arrive vers la fin pour rester dedans plus longtemps. Et ça c’est un signe qui ne trompe pas !

Bertrand Tappaz

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